Jusqu'ici cantonné aux petites productions DTV - RX, Danika -,
Ariel Vromen s'est surtout fait connaitre en 2013 avec le très efficace The
Iceman, film de gangsters avec Michael Shannon, qu'il avait coécrit et dans
lequel il avait fait preuve d'une belle maîtrise autant dans la réalisation que
dans la direction d'acteurs. Avec Criminal : un espion dans la
tête, il passe à la vitesse supérieure puisqu'il se retrouve aux commandes
d'un thriller high-tech avec un parterre de stars qui fait rêver : Kevin
Costner, Gary Odlman, Tommy Lee Jones, Gal Gadot et Ryan Reynolds. Le rêve
s'arrête cependant ici, le casting est à peu de choses près tout ce que le film
a à offrir, Vromen étant visiblement incapable de transcender un scénario
lambda et retombe dans tous les travers de la DTV générique malgré une
enveloppe budgétaire très confortable.
Ryan Reynolds n'arrête pas de faire des folies avec
son corps. Après Echange standard où il se retrouvait dans le
corps de Jason Bateman, après Renaissances, où l'âme de Ben
Kingsley était transférée dans son enveloppe corporelle et après toutes les
saloperies que des scientifiques chelous lui ont infligés pour en faire Deadpool,
voilà que Reynolds remet ça. Dans Criminal : un espion dans la tête,
il incarne un agent secret sur le point d'extraire le hacker le plus dangereux
de l'histoire, lorsque l'opération capote et qu'il est tué sous la torture. Pas
de panique, les avancées technologiques sont telles qu'il suffit de transférer
la mémoire du défunt dans un autre corps et le tour est joué. Et quel meilleur
cobaye pour recevoir cette mémoire que ce psychopathe condamné à mort aussi
dangereux qu'imprévisible ? En plus c'est Kevin Costner, la chance! Si le
concept vous semble risible, rappelez-vous qu'en 97 John Woo avait quand même
réussi à nous faire gober qu'on pouvait aisément faire un face swap entre John
Travolta et Nicolas Cage, sans passer par une application mobile. Bref, voilà
donc le pitch pas plus zarbi qu'un autre du film qui nous intéresse et qui sera
le prétexte à toute une série d'événements rocambolesques mais malheureusement
pas aussi barrées que l'idée de départ. Avec sa chasse à l'homme londonienne,
ses courses poursuites, ses bastonnades en tout genre, Criminal : un
espion dans la tête se positionne comme un sous Jason
Bourne, le savoir faire de Paul Greengrass en moins. Cette impression est
renforcée tout au long du premier acte -qui concerne exclusivement Ryan
Reynolds- qui suit sa fuite dans la métropole londonienne, filmée caméra à
l'épaule en montage ultra cut avec tous les clichés Big Brother : Salle d'opération
avec plein de gens qui regardent plein d'écrans avec un haut gradé en costard
qui leur gueule dessus "Retrouvez-le moi'', extraits crades des caméras de
surveillance d'une gare, d'un métro, d'un hypermarché, sans oublier les inserts
écran qui vous donnent l'heure et l'endroit où se passe l'action. Au cas où
vous vous sentiriez perdu. Pratique.
Curieusement, c'est avec l'arrivée de Kevin Costner
que le film semble prendre conscience de la légèreté de son postulat. Une fois
le transfert de mémoire terminé, Vromen se retrouve avec un éventail de
possibilités à explorer et donne l'impression de ne pas s'y être préparé. Il en
résulte un patchwork confus qui part dans tous les sens mais sans destination
précise. Dans un premier temps, ça prête à sourire : Costner en mode gros
connard, on ne voit pas ça souvent et le plaisir qu'il prend à défoncer des
innocents, cracher sur des passants et les insulter à coup de ''Motherfucker'',
est visible à l'écran, voir même communicatif. Bien sûr, le scénario nous fait
très souvent oublier qu'il s'agit d'un condamné à mort aux actes vachement
répréhensibles, mais vous savez... C'est Costner, on lui donnerait le bon Dieu
sans confession. Les choses finissent par déraper sérieusement lorsque
Vromen tente de traiter ce qui aurait du être le cœur de son film, à savoir le
dilemme psychologique de son personnage, lorsque celui-ci se trouve de
plus en plus submergé par la personnalité de l'espion décédé. Soit tout à fait
l'inverse d'un Docteur Jekyll et Mister Hyde. Un dilemme qui aurait nécessité
un minimum de finesse mais qui vire vite à la mauvaise farce, la faute à un
scénario écrit avec les pieds, terrible de balourdise et bourré de clichés. Le
point de non retour est atteint lorsqu'on essaye de nous fourguer cette idylle
naissante entre la veuve de l'espion -la lumineuse Gal Gadot- et
Jericho-Costner, en qui elle reconnait des bribes de son mari, le tout
sous l’œil approbateur de sa petite fille qui a vite fait d'adopter ce nouveau
papa bourru. Faut pas pousser mémé dans les bégonias.
Une fois évacués tous les ressorts dramatiques qui
auraient pu rendre le film intéressant, Criminal : un espion dans la
tête peut alors sombrer définitivement dans le film d'action
mainstream. Parce que ce n'est pas tout ça, mais il y a un quota d'explosions,
de fusillades et de courses poursuites à respecter. Vromen emballe vite fait
l'intrigue qui traîne sans s'embrasser de vraisemblance et sans prendre la
peine de cacher son ennui. C'est que le temps commence à se faire bien long
dans ce dernier tiers et ce n'est pas son suspense à deux balles qui
inverserait la tendance. Pour passer le temps et arriver enfin au final en
happy end du plus mauvais goût, le spectateur pourra s'amuser à
reconnaître les nombreux seconds rôles de luxe qui complètent le casting :
Amaury-prison-break- Nolasco, l'immense Scott Adkins - qui ne met ici aucun
coup de latte, scandaleux- et, non, vous ne rêvez pas, il s'agit bien de
Michael Pitt dans le rôle du hacker tout en sueur. Encore une fois, c'est
le casting qui constituera le plus gros gâchis du film tant il est - à quelques
exceptions près- honteusement sous-exploité. Tommy Lee Jones et Gary Oldman,
malgré leurs prestations impeccables, ne nous contrediront pas.
Avec son pitch improbable et son scénario boursouflé, Criminal
: un espion dans la tête aurait pu donner un résultat intéressant et
original s'il avait eu le courage -ou la volonté- d'assumer pleinement son
postulat ridicule. Tel n'étant pas le cas, le film reste un divertissement
correct mais qui ne se démarque pas vraiment des centaines de productions
similaires, tout juste sauvé par la prestation de son acteur principal. Au vu
de tous les talents impliqués et tous les moyens mis à contribution ici, c'est
tout bonnement inexcusable.
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