Amy et Nick forment en apparence un couple modèle. Victimes de la crise, ils quittent Manhattan pour retourner s’installer dans la ville du Missouri où Nick a grandi. Mais le jour de leur 5ème anniversaire de mariage, Amy disparaît et Nick retrouve leur maison saccagée. Lors de l’enquête tout semble accuser Nick. Celui-ci décide, de son côté, de tout faire pour savoir ce qui est arrivé à Amy et découvre qu’elle lui dissimulait beaucoup de choses...
David Fincher a-t-il la carte ? Y'a-t-il une propension démesurée
de la part des critiques à crier au génie et à considérer tout nouveau film
qu'il réalise comme un chef d'œuvre absolu et la preuve supplémentaire de son
talent hors du commun? Que ce soit clair, cette chronique ne se propose pas de
répondre à ces question -dont on se fout pas mal soit dit en passant- surtout
que son dernier long -Gone Girl- est lui aussi une belle réussite,
hybride inédit entre le thriller et la comédie noire et qui ne ressemble à rien
d'autre qu'à un film de David Fincher. Ça va encore faire des jaloux,
ça.
Pour beaucoup, David Fincher est et restera toujours le
réalisateur de Seven.
C'est comme ça, il aura beau varier ses projets, faire les films les plus
excitants de ces dernières années – même sans serial killers- cette étiquette
lui reste collée à la peau et rien n'y changera probablement jamais. Le
thriller, Fincher l'a effectivement pas mal visité, que ce soit dans The Game, Panic Room ou tout récemment dans The girl with the dragon tatoo et si l'on y regarde de plus près, la
figure du psychopathe est toujours présente dans sa filmo en filigrane. Pas
forcément la figure du monstre sanguinaire mais plutôt celle d'un être
profondément solitaire et asocial, par choix - Benjamin Button- ou par
contrainte - The Social Network-. Ceci explique sans doute
le réflexe systématique de voir dans chacun de ses nouveaux projets
l'avènement du thriller ultime, le nouveau Seven,
le retour de l'enfant prodige. C'est en tout cas de cette façon qu'a été vendu Gone Girl, des mois avant sa
sortie à coups de teasers et de photos tendancieuses, faisant ainsi monter la
tension jusqu'à la date fatidique, seulement pour que l'on se rende finalement
compte qu'il ne s'agit pas du tout de la came que l'on nous a sur-vendu. Est-ce
une mauvaise chose pour autant ? Assurément non.
Tuons donc ce mystère qui n'a pas lieu d'être : Gone Girl est un faux thriller. Le mot clé
étant faux et pas thriller puisque le dernier Fincher est une
autopsie sans concessions sur les travers d'une société
américaine idolâtrant les apparences, gavée aux médias hypocrites et
droguée aux ''likes'' des médias sociaux qui dictent de ce fait leurs propres
lois, et appliquent leur propre justice. Satyre grinçante teintée d'humour
noir, très noir, le film s'inscrit ainsi dans la lignée de The Social Network avec lequel il a beaucoup de
similitudes : sur la forme -ce côté fun et récréatif dans le traitement- mais
aussi sur le fond puisque les deux personnages principaux des deux films sont
des esprits brillants et retors, poussés aux pires bassesses à force de vouloir
suivre des normes biaisées.
Tout est faux ici, aussi lisse et propret soit-il, de la belle maison
du couple central au sourire ultra bright du mari, en passant par la supposée
scène de crime et c'est avec un réel talent de storyteller et de fin technicien que Fincher épingle
tout ce beau monde et démonte la machine à rêves américaine. Son secret ? Ne
jamais tomber dans la démonstration facile et toujours adapter son style à son
sujet, jamais le contraire.
Si Gone Girl est brillant dans sa première
partie, il touche carrément au génie dès lors qu'il s'attaque à la sacro-sainte
institution du mariage, véritable moteur du film, dans un sens du détail et
du grotesque jouissif. Aussi tendu et insoutenable que puisse être le
métrage, il n'atteint les sommets que lorsque les masques tombent et que les
coulisses du couple vedette sont révélées dans toute leur laideur, chacun en
prenant pour son grade. Pour ça, il faut de toute évidence rendre grâce au
matériau d'origine qu'est le géniallissime livre de Gillian Flynn -Les
apparences en VF- mais aussi à l'énorme travail d'adaptation fait par Flynn
en étroite collaboration avec Fincher et qui a permis de resserrer la trame
autour du couple tout en virant toute la thématique de la parenté. La scène
d'introduction de Gone Girl est en elle même une note d'intention
à ce propos, lorsque Ben Afleck se demande ce qui peut bien se passer dans la
tête de sa moitié et comment ils en sont arrivés là, après avoir soigneusement
planifié les étapes d'une relation de couple idéale. Les acteurs, parlons-en,
Ben Afleck et Rosamund Pike sont, sans surprise, juste impeccables dans leurs
rôles respectifs : le premier, n'en déplaise à ceux qui ont taxé le livre et le
film de sexiste, est un modèle du mari castré, à la ramasse, largué au milieu
d'un ouragan médiatique et judiciaire dont il ne réalise pas toutes les
ramifications. La seconde, trouve ici un rôle en or de salope intégrale qui a
largement sa place entre la Catherine Tramell de Basic Instict et la Bridget Gregory de Last Seduction. Encore un psychopathe pour
Fincher, tiens. On ne se refait décidément pas.
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