En 1996, la menace Roland Emmerich était encore fantôme. Le
réalisateur allemand était même très en vue et considéré comme l'un des
artisans du film d'action les plus prometteurs. Pour preuve, ses deux derniers
hits : l'excellente série B Universal
Soldier en 1992 et le très
réussi Stargate en 1994. Cet été là par contre,
Emmerich allait laisser libre cours à ses démons et sortir Independence Day, gros carton
de l'année, contenant l'ADN de toute sa filmographie à venir : Destruction porn,
effets spéciaux à outrance et patriotisme à la limite du nauséabond. Ce sera
aussi la dernière fois qu'il fera preuve d'autant de savoir faire, le premier Independence Day étant un gros plaisir coupable,
efficace et décérébré, rarement égalé depuis, y compris par Emmerich.
1996 fut une sale année pour la planète. En plus des aliens
d'Independence Day -ou ID4 pour faire plus swag- les martiens
de Tim Burton aussi s'étaient mis en tête de nous péter la gueule à domicile.
Là où Burton avait choisi la carte de l'humour noir et de la farce féroce pour
son Mars Attacks!,
Emmerich, lui, opte pour un premier degré aussi sérieux qu'un infarctus. On
n'est pas là pour rigoler, on est là pour tout exploser. Il est comme ça,
Roland. C'est un type sérieux. C'est donc avec un grand sérieux qu'il met en
place tous les éléments de son invasion avec un sens aigu de l'exposition, le
tout en un tour de main. En dix minutes, les premières soucoupes volantes
pointent le bout de leur coque et rendent hommage à notre culture et à notre
histoire en désintégrant totalement les principales villes et monuments du
globe. Autant dire que la politique étrangère de ces aliens laisse clairement à
désirer. Cette première attaque sera le signal pour déclencher l'éradication en
règle de l'espèce humaine. Et ce sera aussi la partie la plus réussie de tout
le métrage : On ne pourra pas nier le talent d'Emmerich pour faire monter la
sauce et, en 96, ces images de destruction massive étaient hyper originales et
leur impact visuel énorme -vingt ans après, c'est une autre histoire-. Le
principal atout étant clairement les effets spéciaux très réussis qui assurent
un spectacle épique et donnent au spectateur pour son argent. L'apparition des
vaisseaux spatiaux aliens dans le ciel reste d'ailleurs encore aujourd’hui très
impressionnante.
Si par la suite le film n'accuse aucune baisse de régime et continue d'enquiller les morceaux de bravoure, les choses se corsent lorsqu'il s'agit de présenter des personnages, leurs motivations et de poser des enjeux. C'est bien beau de faire tout péter, mais c'est pas tout ça. Pourtant, Emmerich avait à sa disposition un cast interstellaire -du moins pour l'époque- qui compte Will Smith à peine sorti du Prince de Bel Air, Jeff Goldblum fraîchement auréolé du succès de Jurassic Parc ainsi que de Bill Pullman, acteur culte depuis Lost Highway. Malheureusement -et c'est une constante chez Emmerich- le traitement des personnages est bien trop léger quand il n'est pas grossièrement caricatural. Dire que les clichés sont légion dans Indepedence Day serait un doux euphémisme, du soldat cool qui roule des mécaniques cigare au bec, la mère courage, le scientifique geek et barré sans oublier ze prézident ov ze younaitède stétes. Dommage car ils ne manquaient pas de sel, surtout le personnage de Pullman en président alcoolique qui aurait gagné à être mieux développé. Pas étonnant puisqu'il est à présent de notoriété publique qu'Emmerich se contrefout royalement de ses personnages, ils ne sont là que pour faire avancer ses films d'une explosion A à une explosion B. Malgré tout, le duo Smith-Goldblum arrive à faire des étincelles et efface partiellement le cabotinage de Randy Quaid/Russel Casse.
Evidemment, un film de Roland Emmerich ne serait pas un
film de Roland Emmerich sans les facilités scénaristiques aberrantes et autres
raccourcis foireux qui nous font nous demander s'il ne nous prendrait pas pour
des cons des fois -et le temps a démontré que la réponse était oui-. Et pour Independance Day, nous avons du
très, très lourd. Nous passerons allègrement sur la survie de certains
protagonistes qui relève plus de l'intervention divine qu'autre chose, les
explosions maousses étant dans certains cas très sélectives quant à leurs
victimes. Nous serons par contre bien plus sceptiques quant à la solution
ultime trouvée pour repousser l'invasion, soit, en gros, uploader un virus
informatique bricolé en deux clics dans le vaisseau mère. Logique, Norton
Antivirus n'existe pas sur d'autres planètes. Tout ceci serait passé sans souci
avec un grand sourire indulgent s'il n'y avait pas eu ce patriotisme exacerbé,
digne de l'administration Reagan, qui dégouline de chaque image. Le point
culminant étant évidemment le fameux discours galvanisant du président, qui
redonne le moral aux troupes et l'envie de se sacrifier pour faire triompher
l'Amérique. Fuck yeah! A partir de là, le spectacle continue dans un
déchaînement pyrotechnique ininterrompu mais au déroulement plus convenu, à la
limite de l'ennuyeux -limite qui a bel et bien disparu avec le temps- vers un
final forcément triomphal. Quelques scènes de combats aériens brouillons
et mal cadrés -Emmerich s'est montré visionnaire sur ce coup là- et le tour est
joué.
Sans le savoir, Roland Emmerich crée avec Independence Day le prototype du blockbuster estival moderne : pompeux, explosif et crétin à souhait. S'il fait preuve d'un gigantisme assumé, ça n'est rien comparé aux délires ahurissants qui viendront par la suite entacher la filmo du réalisateur germanique. Ceci explique peut-être pourquoi ce premier épisode conserve paradoxalement un charme particulier ainsi que son potentiel nanar pop corn intact, ne serais-ce que pour ses effets spéciaux à l'ancienne, largement disparus depuis. Con mais fun.
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