Après le carton planétaire de Ghost Protocol, la mise en chantier rapide d'une cinquième mouture n'était pas surprenante. Nous étions surtout curieux de voir où irait la franchise après les débordements cartoonesques -et franchement ridicules- de la version Brad Bird. Deux éléments ont attisé cette curiosité : l'annonce de Christopher McQuarrie aux commandes et le choix de la Paramount d'avancer la date de sortie de six mois, en pleine saison de blockbusters -et, comme il s'est avéré plus tard, de grosses déconvenues-, signe d'une belle confiance en son produit. Maintenant que Mission Impossible: Rogue Nation est là, un constat s'impose : les mecs avaient raison.
La franchise Mission
Impossible ne compte en fait
que deux épisodes : Le premier, celui de Brian De Palma qui avait brillamment
assuré la transition du petit au grand écran avec un savant mélange entre film
d'auteur et pop corn movie. Et le deuxième, celui de John Woo qui a fait le grand
écart en se plaçant aux antipodes de son prédécesseur : un pur film d'action
fun et over the top,
sauvé de la nanardise par une exécution aux petits oignons. Entre les deux,
la série n'a jamais cessé de se chercher, de trouver la combinaison
idéale entre les deux modèles cités plus haut et leur cahier de charge
implicite. L'une des règles immuables étant de confier chaque épisode à un
réalisateur différent afin qu'il ait son identité propre. L'intention est louable
et elle a fait ses preuves. Cependant, à l'heure où sort ce cinquième épisode Rogue
Nation, elle n'arrive plus à masquer l'évidente pauvreté scénaristique qui
accable la série : John Woo, JJ.Abrahams, Brad Bird et ici Christopher
McQuarrie, tous sont condamnés à filmer -chacun à sa manière- la même histoire
: Agence désavouée, disque à voler d'une enceinte hautement sécurisée, ex-agent
gouvernemental devenu ennemi, terroriste-trafiquant d'armes à neutraliser. Et
des cascades invraisemblables qui jalonnent le tout. Beaucoup de cascades.
Mais alors, Rogue Nation n'est-il rien de plus que la cinquième
resucée d'une formule éculée ? Pas tout à fait.
Entendons nous bien, Rogue
Nation ne révolutionne pas
l'univers de la franchise. Pourtant, dans une série qui peut désormais rouler pépère uniquement sur
son nom, l'implication affichée par la production pour offrir un produit
différent et de qualité fait plaisir à voir. McQuarrie fait preuve d'une belle
audace en goupillant pratiquement un sans faute. Détail révélateur -et spoiler
au passage- la scène la plus barge de la bande annonce, celle de l'airbus A400
Atlas, ne constitue que l'ouverture du film, comme si le réalisateur voulait se
délester d'un bagage encombrant. Détail d'importance car l'on sait dès lors que
le plus important dans le film est ailleurs. Que les fans se rassurent,
McQuarrie enquillera sans faiblir bien d'autres moments de bravoure, mais il
n'en oublie pas pour autant de soigner son atmosphère, volontairement plus
sombre. Du coup, il arrive miraculeusement à trouver cet équilibre précaire qui
manquait à la série et qui mettra tout le monde d'accord. Ce film est celui qui
se rapproche le plus du premier épisode dans ses thématiques aussi bien que
dans son exécution. La mise en scène n'a jamais été aussi bien maîtrisée
et aussi loin des travers qui gangrènent le film d'action depuis les 2000's
-mis à part quelques exceptions dictées par le cahier de charges. Tout est
filmé avec un soin maniaque et un découpage au millimètre qui frôle la
perfection. C'est pourtant dans la tension continue et la pression sans relâche
qu'il impose au spectateur que Rogue
Nation remporte l'adhésion,
avec un récit malin et des retournements de situations foisonnants et bien
sentis. Et au réalisateur de filer tranquillement et sans accrocs vers un
climax stupéfiant de minimalisme et de tension. Il a de quoi être fier.
Tout n'est pourtant pas parfait dans Rogue Nation et le point négatif reste
indubitablement cet humour omniprésent mais extrêmement mal placé. Alors que le
film pouvait sans problème choisir la carte du full dark, il décide
inexplicablement de s'encombrer d'un comique de situation proprement
casse-couille qui s'échine à désamorcer une grosse partie du potentiel
dramatique de plusieurs scènes. On pense bien sûr à Simon Pegg qui est devenu
un régulier -là aussi de façon inexplicable- depuis l'épisode 3 et qui fait son
numéro de pitre à chaque plan, mais aussi à Tom Cruise qui ne peut s'empêcher
de rouler les yeux et de lever un sourcil façon ''Please!'' dès que les choses
se corsent. Un tic vraiment pénible hérité de l'ère JJ Abrahams qui depuis Mission
Impossible III a été promu au rang de producteur via sa compagnie Bad
Robot. C'est d'autant plus frustrant que le film avait toutes les cartes en
main pour remporter le jackpot, y compris un casting impeccable: les habitués -et sous exploités- Ving Rhames
et Jeremy Renner, ainsi que des nouveaux arrivants, Alec Bladwin -toujours
classe- et de Sean Harris dans les pans du méchant de service, pas le plus
mémorable mais quand même bien plus flippant que l'inodore Michael
Nyqvist de Ghost Protocol.
La palme revient à la révélation incontestée de cet épisode : Rebecca
Fergusson. Aux antipodes des faire-valoir habituelles de la série, même pas un love interest , l'actrice vole la vedette à Cruise
dans le rôle d'Ilsa Faust -vive la finesse- et ses nombreuses zones d'ombre.
Véritable Alter-ego féminin de l'agent Hunt, elle assure une présence
indéniable doublée d'une aura de mystère que le scénario a l'intelligence
d'entretenir tout au long de l'intrigue. La véritable révolution dans la
franchise, c'est aussi ça, ce changement de rapports entres les membres de
l'équipe, couronné par un final minimaliste au possible qui renoue avec
l'esprit de la Team de la série originale.
Tom Cruise a bien raison de s'accrocher à la franchise Mission Impossible et s'y investir corps et biens. Si ce
n'est pas l'acteur du siècle, l'homme n'en demeure pas moins un producteur
avisé et l'un des derniers professionnels de l'entertainment, comme le fut
Michael Douglas en son temps. La preuve, son Rogue
Nation est une franche
réussite : Survitaminé, extrêmement fun et bien torché, il s'offre le luxe de
tenter quelques touches audacieuses qui s'avèrent payantes. Néanmoins, à
l'annonce de la mise en chantier imminente du sixième épisode, il serait plus
qu'urgent de proposer de nouvelles thématiques et de nouveaux enjeux car la
formule Mission Impossible commence un peu à tourner en rond.
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